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Entre Inde et France, histoire du châle, ou la révolution sociologique du textile. CHAPITRE 1


DE LA LAINE DE PASHMINA AU SHAWL DE PASHMINA

Les autochtones des montages et le pashmina

Les pashminas ont été créés il y a des centaines d’années par les peuples du Ladakh pour lutter contre le froid de l’altitude. Le Ladakh est une région d’Inde nichée sur le toit du monde, au cœur des montagnes arides et isolées, peuplée de sommets culminants à plus de 7000 m d’altitude au cœur de l’Himalaya.

A l’origine, le nom pashmina vient du mot persan « pashm » qui signifie « laine ». Mais dès le XVème siècle, il désigna cette laine issue des chèvres ou des antilopes qui vivent spécifiquement dans les hautes altitudes et qui est particulièrement remarquable pour ses propriétés thermiques exceptionnelles. Cela explique le suffixe « ina » qui signifie « intensifie la chaleur ». S’adaptant ainsi au nomadisme des autochtones, la légèreté des pashminas et leur faible encombrement étaient alors un atout pour être transporté.

Dans les montagnes, les enfants récoltaient la fibre, sur les rochers ou sur les arbustes, là où les animaux se frottaient pendant la mue de printemps, laissant les bouloches de duvet éparses. Par la suite, les bergers Chang Pa du Ladakh réussirent à élever les fameuses chèvres des montagnes capra-hircus en semi-liberté. A la période de la mue, ils les peignaient manuellement pour en récolter le duvet. C’est cette même technique qui demeure aujourd’hui. Les femmes triaient les fibres pour ne conserver que les plus fines, les plus longues et les plus claires. Ensuite l'amas de laine était filé à la main pour obtenir un fil solide d'une extrême finesse que même les machines les plus perfectionnées actuelles ne sont en mesure d’obtenir. Les hommes tissaient ensuite les étoles.

Les tisserands de Srinagar

Cette matière hors du commun fut progressivement vendue sur les marchés de Srinagar, capitale de la région du Cachemire, située à quelques vallées limitrophes du Ladakh. Les tisserands de Srinagar, déjà réputés, savaient déjà utiliser les différentes laines provenant des animaux depuis des temps immémoriaux. Des fouilles prouvent que la civilisation indus (2700-2000 ans avant JC) fabriquait déjà des lainages en Inde. La principale source de laine provenait des chèvres, mais, la fibre de pashmina, le « diamant des laines», importée des hauts sommets du Ladakh, était de très loin la reine des matières premières, la plus noble et la plus rare.

Les premiers articles tissés réellement connus sont identifiés autour du 15eme siècle. À l'origine, le shal avait de multiples fonctions : ceinture, turban, étole, couverture, plaid. C’est sous l’impulsion du charismatique empereur moghol Abkar, envouté par les vertus des shals de pashmina, que les occupants de la région du Cachemire développèrent la réelle industrie du tissage du pashmina, sous le patronage omniprésent du roi, et notamment grâce à des ateliers royaux qui favorisère un développement particulièrement qualitatif. Les artisans cachemiris excellèrent dans ce domaine et le savoir-faire de ces hommes devint sans égal. Ils surent savamment exploiter les qualités exceptionnelles de la fibre de pashmina dont le filage et le tissage étaient tout un art eu égard à la finesse et à la fragilité des fibres. Ainsi, largement incités par le pouvoir, les cachemiris assurèrent la commercialisation et le développement économique de cette étole de très grand luxe qui devint si convoitée dans les échanges.

Progressivement et avec la notoriété du produit, les premières machines à filer, des métiers sommaires horizontaux, furent construites et l'industrie s’y développa d’autant plus aisément. Une très grande attention était portée aux teintures, ainsi qu’aux motifs et ornements. La décoration des tissus permettait aux monarques d’imposer leur style et de créer leurs modes. La technique de tissage employée est celle de l’espolinage, du nom des "espolins", petites navettes sur lesquelles les fils des divers couleurs destinés à la création des motifs sont enroulés. Il y a dans ce procédé une similitude entre la technique de la tapisserie sur sergé ou encore celle de la dentelle flamande réalisée avec les navettes. Ces shals tissés et décorés directement sur le métier même sont appelés Kanis. La fabrication d'un shal demandait souvent plus d'une année, et ce travail si minutieux, si difficile et si long était réalisé dans des conditions souvent difficiles.

La forme du shal était carrée ou plus souvent rectangulaire, et son décor constitué d’un centre uni, terminé aux deux bouts par des bordures, ornées d’un bouquet de fleurs appelée boteh. Puis progressivement, et selon les époques, le décor envahit tout ou partie du shal.

Pendant des siècles, sous les règnes des Moghols, des Afghans, des Sikh ou des Dogras, l’industrie des shals fut prospère, innovante et réputée.

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