Entre Inde et France, histoire du châle, ou la révolution sociologique du textile CHAPITRE 2
A la croisée des routes du châle du Cachemire
La situation idéale de cette plaine paradisiaque, à proximité de la route de la soie et au croisement des routes commerciales entre l’Asie et l’Europe, contribua fortement à la découverte des pashminas par l’occident. Les voyageurs occidentaux traversant le Cachemire furent tous séduits par ces articles chauds, légers et magnifiquement ornés.
Bien entendu, la richesse de ces savoir-faire attisa toutes les convoitises. Cela a eu pour effet tout d’abord de disperser l’expertise du tissage. Ainsi, victimes de leurs talents, les cachemiris furent soudoyés, parfois enlevés par les gouvernements étrangers. Mais leur principale difficulté était de faire face aux taxations de plus en plus sévères sur leur travail. Ainsi, les artisans se dispersèrent dans les pays voisins, apportant leur savoir-faire à d'autres peuples. Le rayonnement de ce produit toucha ainsi les Indes, l'Egypte et bien d'autres contrées, et la région du Kashmir perdit au fil du temps, le monopole de la fabrication de ces shals au bénéfice notamment des Indiens du Penjab qui en reprirent le flambeau.
Du fait de son instabilité politique, d'une production désorganisée et de pratiques commerciales parfois douteuses, le Ladakh s'est vu ravir sa suprématie en terme de production par le Népal voisin qui, bien que ne possédant pas le même savoir-faire, représentait un partenaire économique plus stable et plus fiable.
Cela a eu aussi pour effet de développer de nouvelles techniques de production plus efficaces. Afin d'accroître la production, d'accélérer l'exécution, mais aussi pour en réduire le coût, les shals furent brodés à l'aiguille au point de tige une fois l’étole finie, et non plus au cours de sa création comme les kanis. L'ensemble était de fait légèrement alourdi par les broderies puisque le motif est ajouté au support, mais son exécution simplifiée et le rendement commercialement plus intéressant. Les indiens se spécialisèrent dans cet artisanat, et commercialisèrent ces châles brodés sous le nom de Sozni.
Durant les XVe, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, le shal ne cessa de devenir en Inde une parure de prestige essentiellement masculine.