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Entre Inde et France, histoire du châle, ou la révolution sociologique du textile.  CHAPITRE 3


LE CHALE DE LUXE ET LA MODE EUROPEENNE AU XIXEME SIECLE

Au 17ème siècle, le voyageur et philosophe François Bernier, notamment contemporain et ami de Molière, remarque la finesse des pashminas. Quelques shals directement importés par d’autres aventuriers et voyageurs confirmèrent les propriétés de ces tissages fabuleux et très chers fabriqués à la main et aux bordures finement brodées. Les designs caractéristiques incluaient les dessins traditionnels de fruits ou de feuilles, dont les formes et la symbolique avait évolué au fil des siècles. Dans les années 1700, la fine étole de pashmina commence à arriver en Europe de l’Ouest, et « shal » n’est pas encore le mot anglais « shawl ». Au début, ils étaient seulement utilisés comme ornements d’intérieur, à l’instar d’autres nouveautés décoratives exotiques, et non comme accessoires vestimentaires. Aux alentours de 1780, le shal fut alors introduit en Angleterre et se transforma en « shawl indiens ». Parallèlement, il fit son entrée à la cour de France et la reine Marie Antoinette en fut prioritairement destinataire. Ainsi, la clientèle devint essentiellement féminine en Europe, et non plus masculine comme en Inde.

La mode européenne et Joséphine

Mais le succès du châle débute réellement en Europe avec la campagne d’Egypte de 1798, où, à son retour, Napoléon Bonaparte rapporta à son épouse Joséphine une de ces merveilles. Joséphine aima passionnément ces articles au point de collectionner ces étoles inestimables. La légende dit qu'elle possédait entre 50 et 500 pièces ! En réalité, les inventaires authentiques parlent plutôt d’une soixantaine. Plus tard, on dit qu’en 1810, Napoléon offrit soixante-dix châles comme cadeau à sa seconde femme, Marie Louise d’Autriche.

Il est important de se rappeler que la mode parisienne de cette époque était au style empire. La sensualité féminine était exaltée et les robes dévoilaient impudiquement le corps des femmes. Un châle était alors particulièrement bienvenu pour donner des nuances vibrantes à l’élégance de ces dames, d’une part, mais aussi pour couvrir une quasi nudité, tout en réchauffant les épaules des belles. Ces étoles colorées devinrent un parfait accessoire vestimentaire, rendant à la fois les silhouettes plus sveltes et plus douces, ce qui marquait de fait l’abandon progressif des lourdes robes amples.

Ainsi, la future impératrice, véritable inspiratrice des tendances de l’époque, associée aux femmes influentes comme Madame Récamier et autres « merveilleuses », icones de la mode européenne de ce début du XIXème siècle, contribuèrent largement à l’institution du shawl qui alors devint rapidement « châle ». L'attrait de la nouveauté associé à la légèreté de ces tissus, à l'exploit technique et à sa sensualité, en firent immédiatement un article prisé par les aristocrates de l'Empire et dans l’univers du luxe parisien, au cœur des tendances européennes. La mode était lancée, et ce fut une véritable passion entre ces étoffes colorées, chaudes, douces, légères et les françaises. La forme la plus en vogue alors était un long rectangle de 2.50 mètres sur 1 mètre. Pour l’anecdote, on dit que même les peintres firent de nombreux portraits de femmes pourtant un châle, au point que parfois, celui-ci fût plus le réel prétexte au portrait.

Pendant plus de 70 ans, le châle deviendra un élément indispensable de la mode dans la haute société européenne, symbole de réussite sociale.


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